翻译:杜放
杨佴旻 太行的早晨 2012年 140x310cm 纸本设色
杨佴旻是位“魔术师”:普通的材料经过他的手,就会变成富有生命力的艺术作品;他更善于运用中国传统的水墨画材料:毛笔和国画色,在保持笔墨写意特性的基础上大胆运用色彩,创作出色彩绚烂的写意水墨画。在今天这个充满变革,躁动不安的世界,人们在各种冲撞和压力中寻找内心的归属,向往安详与宁静。杨佴旻用他的创新水墨画,表达出一种超脱世俗的禅境,带给现代人耳目一新的艺术享受。他不愧为当代创新水墨画的代表艺术家之一。
杨佴旻出生于中国的河北省曲阳县。地处华北平原西部,紧邻首都北京,曲阳县是宋朝的五大官窑定窑的出产地,也是中国传统水墨画胜地,同时还素有“雕刻之乡”的美誉。家乡深厚的传统文化底蕴,促使杨佴旻从小就对艺术产生了浓厚的兴趣。
长期的学习和实践
杨佴旻成长在一个工匠世家,从事传统手工艺的父亲,很早就发现了孩子对艺术的兴趣和天赋,让他从小研习书法,并学习雕琢。在刻苦钻研中,杨佴旻将中国古代绘画大师的作品烂熟于胸。长期的练习使得他对木材,毛笔和水墨的使用有着深厚的了解和领悟,他对色彩的运用也掌握得出神入化。当然,艺术家的独特之处并非局限于技巧,他还特别善于捕捉身边的人和物,借助它们来表达他对生命的热爱与美的感悟。
杨佴旻自幼跟随老师学习水墨画,从临摹《芥子园画谱》[1]入手。这是一套系统学习传统水墨画基本技法的画谱,浅显明了,是许多著名艺术家的启蒙良师。杨佴旻反复临摹,以至于他能背着画出画谱山水卷每页的内容来。尽管杨佴旻的雕刻和水墨画创作都很到位,但是,他最大的热爱是水墨画,正如他本人所说“彩色雕刻是帮助我更好掌握水墨画的手段。我的志向不在于成为雕刻家”[2]。这一方向性的选择,决定了他的作品主要是运用水墨画的材料,来表现静物,山水和人物这三大主题。对此,我在下文还会有更详细的阐述。
这位年轻的艺术家,在研究探索中国传统绘画的现代化,同时,他对其它门类的现代艺术作品也有高度的关注和研究。在我们最近的一次谈话中,他对现代艺术是这样阐述的:“到了现代,艺术的评判标准应该建立在世界的评判标准之上。现代中国的东西也是世界的。上个世纪,徐悲鸿,林风眠,刘海粟等著名艺术家就提出了要改革传统水墨画,这一观点在今天已被广泛认同。几代艺术家在探索艺术的同时,反复思考的一个问题:是否使中国传统艺术服务于当代,服务于西方乃至世界,西方艺术是否可以服务于中国传统艺术。这种关注视野无疑是世界性的。”[3]
杨佴旻毕业于南京艺术学院。兴趣爱好使然,他在绘画创作的同时也热衷于写作。他的诗歌为其绘画和雕塑作品做了诠释和补充。他对美学的深入研究也影响着自己的艺术风格。
在几十年的艺术生涯中,杨佴旻出版的大量画册和成功举办的画展,都体现着他的创作热情和蓬勃能量。艺术家用心去描绘身边平凡的事物,作品有着朴素和谐之美。他的独特之处正是用最普通的东西去张扬生命的真谛与魅力。
我第一次见到杨佴旻,就被他光滑头顶上的肉髻所吸引,这让我联想到佛教中代表智慧的佛顶。也许正是冥冥中和佛的渊源,促使艺术家早年东赴日本求学,并深深侵染在这个东方佛教古国的艺术氛围中。随后他远赴美国,游历欧洲,他的丰厚经历也体现在他的艺术创作之中。有些中国文艺评论家认为,杨佴旻最初的静物作品,受到了印象派大师莫奈和塞尚的影响。
杨佴旻的艺术作品中呈现出对于美的独特感受与阐释。他在不断的思索过程中,越来越体会到需要在文艺理论方面更加深刻的造诣,这促使他系统地学习美学,并最终获得了美学博士学位。杨佴旻作为新水墨画的领军人物,兼有画家,美学博士,诗人等多重身份,是活跃于国际画坛的艺术家。他同时还担任南京艺术学院新水墨画研究所所长,创办了北京文艺网等。
跨越理想与现实社会
研究中国传统绘画,首先要回顾历代画家所常用的绘画题材。中国古代画家的题材,多是通过人物和自然环境来表现与浓缩当时的社会风貌。杨佴旻从小就研习及临摹了大量传统中国绘画,从传统的人物肖像,到能够使观众有身临其境之感的山水画作品。从摹仿,到独立的探索实践,在从一系列有选择性的以及偶然的生活经历中,艺术家逐渐找到了自己的艺术道路。
杨佴旻早年东渡日本进行学习与创作,使他得以在思想和创作上汲取这个东方古国的精华。后来,他的足迹更是踏遍了欧美各国,在世界各地的博物馆和画展中流连忘返,吸纳博收。这些丰富的生活背景和艺术经历,使他的画作既是东方的也是西方的。
杨佴旻在艺术创作中,他一直坚持走自己的路,在艺术思想上却以一种超越的态度对待中国,日本以及西方的艺术。早在1992年,他就开始探索一种新的创作理念与技法,并在多年的创作实践中逐渐形成独特的艺术风格。他曾经说过:“我认为传统的中国水墨画不在适应现代社会,它已经不属于这个时代了。”更深入地分析:“现代的艺术家不应该盲目的膜拜传统,那些已经成程式化的东西。带着对现实的偏见去“体验”那些远离了时代,远离了自己的生活,对艺术创作是没有益处的,艺术家的创作行为不是把古老的东西翻新。就水墨画而言,如果仅是摹写传统所谓精华的东西,不做根本的创新改变,那么这就是一种停滞,甚至倒退。另外,一味地区分中国艺术家、别国艺术家也是没有任何意义的。艺术创作需要开放的思维。所谓传统的风格,只是在过去的特定时间环境下形成的风格,是当下的过去式。众所周知,也并不是简单否定传统就能够创造出新的艺术风格。如果是这样,又怎么解释历史和文化带给我们的传承呢?我们应该用中华民族的传统精髓,真实地表达现代中国的情景与生活[4]。”由此可见杨佴旻对艺术的创作不仅是感性的,他的艺术观点是经过长期观察和思索的结果。
如何创新水墨画?众多理论家和艺术家就此议题各抒己见。尤其是近25年来,围绕这一主题展开的讨论吸引了包括收藏家,艺术爱好者等各界人士的广泛参与。
杨佴旻曾一针见血地指出:“在中国当代美术界,有个被忽略的问题,是很多人对水墨画的认知还停留在过去,他们认为水墨画的材料是画不出鲜艳色彩的。”20 世纪以来,许多水墨画的革新家如林风眠等,都在墨和色彩的平衡方面作出了有益的探索。在当代中国,色彩“艳丽”的水墨画作品越来越多,彩色水墨画将成为水墨画的主要形式。杨佴旻感慨道,我们生活在这样一个丰富多彩的现代化社会,怎么能一直固守在古人的黑白水墨画世界里呢?怎么能重复古人做过的事情而不去创造呢?难道因为这种绘画的名字是水“墨”吗?新的、成功的水墨画创作告诉我们,如果水墨画家还不敢或者还不去尝试彩色,那是他的个人选择,而和水墨画的材料无关,如果说问题,那不是水墨画的材料有问题,是画画的人有问题。”
艺术家更加热切地呼吁 :“在宣纸上进行实践的朋友们,请在你的墨色里添加上颜色吧,你的画面一定会更具魅力! ”[5]
在长期的探索实践中,艺术家已经形成了他一整套的艺术理论,他的理论反过来将进一步指导其艺术实践。
艺术家偏爱的题材:从人物到静物
在长期的艺术创作中,杨佴旻贯通了在世界行走过程中的点点滴滴,以敏锐的观察力和非凡的表达力,创造性的融和了东西方绘画——他最偏爱的主题是:室内人物,静物(通常是人物旁边的物体) 和风景,他选择的角度平常而独特,展现了人类对自然的美好依恋。杨佴旻的艺术既感性又充满了思考。他经过长期不懈的试验探索,创造出了一套特别的绘画新技法。他根植于中国,融汇西方,成功地跨越了东西方文化的鸿沟。
人物
杨佴旻的人物画吸收了日本二十世纪30年代浮世绘画家和西方画家马蒂斯,以及内景主义画派维亚尔的精髓。他运用创新的独特技法来描绘人物在室内的日常生活,将人物融合在背景之中,同时人物身旁的每一个静物,装饰也是画中不可忽视的部分。比如他在2002年完成的作品《小芳》,年轻的女主人公身着黑裙,看上去象是身后壁纸上的深色图案,与人物对面的花篮和背后窗户透过的蓝天形成色彩上的对比。1999年完成的《厨房》 (120X180.5cm),则吸取了法国画家安德列·布拉吉利的风格。布拉吉利本人也深受日本画家的影响,善于以抽象化的造型及明快的色彩描绘出诗意的情景。另外,是他的一部典型作品,2002年完成的《假日》(57X45cm),艺术家用大面积的黄色调营造出轻松、安逸的画面氛围。
山水画
从杨佴旻的山水画作品中,我们看出他对中国传统名家,尤其是明清作品的深刻研究与掌握。中国的名山大川经常是古今画家们创作的源泉。在杨佴旻笔下,于是诞生了《五台山之一》(2013 年完成,79X112 cm);《太行的早晨》(2012 年,143X309 cm),和《长城》等多部作品。在21世纪的今天,用传统的题材进行创作更需要艺术家的胆识与革新精神,需要艺术家超越古今的艺术才能。他笔下的山水画,保持了水墨画以线为造型的基础和写意的精神,以及和谐的艺术境界,体现了作者对现实世界的美好敬慕。
静物
静物,如果从法语直接翻译,静物一词应该译为“死物,没有生命的物体”,中文静物的翻译来自英语“不动的物体”。而杨佴旻笔下的静物充满了活力和生命力。他无意于在特定的空间里去描述色彩的互动和空间的视觉组合,而是在于凭借观感,帮助人们用想象而获取视觉之美。
《蓝天》这幅画,山坡上的白云,静止不动,那红色的、粉色的花草绚烂地勃勃生机,体现出自然强大的生命之力。艺术家用宣纸和国画色表现出了现代绘画所能带来的感观效果。《红叶》、《粉红色的记忆》、《花开时节》这几幅作品都是以花朵为主题,配以抽象的几何图案,以对比的方式刻意表现红色的灿烂和绚丽。杨佴旻对形态的运用让我联想到英国当代艺术家吕西安·弗洛伊德的超现实主义作品。当然,拿两者来做比较并不是说他们在风格上相似,而是他们对自由,对生命之美的追求,以及他们不受任何条条框框约束的艺术表达方式。
每一位创作者都在不断地探寻,发现属于其生命本源的东西,并在灵感突现的时候呈献出新作品。艺术家在2012年完成的两件雕塑作品《禁果》、《ET之手》,就是他对生活不倦观察,对艺术无止境探索与追求的成果。
杨佴旻生活成长在中国社会大变革的时代。现在中国所面临的冲撞,不亚于西方社会二战结束后百废待兴时的变革。西方国家经过二十世纪七十年代之前的经济腾飞,最近几十年一直处在缓慢发展阶段,可能已经淡忘了当时的大变革,以至于对中国当下的社会也多有不能理解的地方。
特别值得一提的是,近年来,中国艺术家的国际影响力有了很大提升,中国艺术家的作品越来越受到藏家的关注[6]。艺术家的使命感与时代的发展契机,激发了杨佴旻更多的创作灵感,和他在艺术上更高、更加独特的审美追求。另外,随着他艺术创作的不断推进,呈现出的作品也更加国际化。他的艺术实践,能使法国乃至世界的观者感受到他的艺术所展现的绚烂和蓬勃生命力,以及他的艺术创新对于我们时代的影响力。
作者简介:
柯孟德,法国汉学家,中国艺术史和考古学博士,并拥有巴黎索邦大学艺术史学位。现为法国国家人类博物馆研究员主任。作为策展人,他策划了众多艺术展览,其中包括中国近代百年绘画展(2009 年,巴黎) ;中国现代艺术(2007 年,北京) ;艺术家的书·从马蒂斯到现代艺术(台北 ,2007)。柯孟德先生曾在中国(台湾)生活七年,撰写了多部关于中国艺术的著作。
[1] 芥子园画谱是一部中国传统绘画的经典课本。全书主要分为初级,二级,三级三个部分,由李渔做序。初级又分为五卷,第一卷为画学浅说,主要讲解美学的基础理论和着色的各种技巧。第二卷和第三卷分别为树谱和山石谱。第四卷人物屋宇谱介绍人物,建筑,风景及花鸟鱼虫的画法,并在第二级中详细地讲解了梅兰竹菊。第五卷名家山水书谱,介绍名家作品在摺扇上的各种画法。初级山水谱五卷于清康熙十八年(1679 年)木版彩色套印。为其作序的李渔,字笠翁,是明末清初的文学家。在明朝衰落后,他过起了隐居生活。晚年时在现南京构建并移居芥子园。画谱以此得名。
[2] 2013年11月与画家在北京的一次谈话。
[3] 2012年10月与画家在北京的一次谈话。
[4] 2013年 8月与画家在北京的一次谈话。
[5] 他的史诗——杨佴旻新水墨画中国巡展作品集。
[6] 从历史上说,艺术品市场兴起于西方工业化国家,和一个国家的经济发展水平紧密相连。全球艺术市场年报用百余页篇幅刊登了2011—2012 年现代艺术家价值排名,杨佴旻排在第315位。从这一数字可以看出中国十几年来艺术的蓬勃发展及对艺术品投资的急速增长。诚然,作为艺术家,他所关心的是自己的艺术创作而不是作品的市场价值,但是我们仍然不能忽略现在所处的大环境和时代背景。
2014年2月10日 巴黎
附:法文原稿
Yang Ermin, pour un renouveau de la peinture au lavis
par Christophe Comentale[1]
Yang Ermin est un magicien qui sait faire naître la forme du bois, dégager la couleur du pinceau et rendre au lavis une polychromie où l’intensité ne le cède en rien à la force du regard. Au sein d’une société qui subit des bouleversements, des chocs contraints, allusifs ou bien voulus avec la force et la violence d’un monde en quête de repaires, de directions qui soient non seulement directives mais sous-tendues par le plaisir de faire, de créer, de susciter l’intérêt de ses contemporains, Yang Ermin s’avère l’un des chefs de file de ce mouvement constitué par des partisans de la peinture au lavis intense et polychrome.
Yang naît à en 1966 à Quyang dans le Hebei, province qui enclave la capitale du pays. Les aspirations et l’intérêt appuyé de Yang pour les arts sont larges, la céramique, la peinture chinoise au lavis, tout comme la gravure fascinent très tôt le jeune garçon qui est alors enclin à suivre cette voie ouverte et fluctuante.
Une formation dans la lenteur de l’apprentissage
Les dispositions de l’enfant pour les arts sont encouragées par l’environnement familial, il en va de même avec la pratique de l’encre pour l’apprentissage de la calligraphie qui s’accompagne d’une maîtrise technique de la matière. Yang Ermin est initié à la gravure sur bois en se confrontant à la matrice dont il sait combien l’attaque change selon les essences utilisées tout comme il maîtrise l’utilisation de la couleur à l’eau dont l’histoire de la peinture chinoise est si riche. Cette connaissance s’avère d’une part historique, Yang sait parfaitement quels créateurs ont tant influencé et orienté le génie de la civilisation en la matière, de l’autre – là aussi – technique par la confection du support papier et par le choix des pigments qui vont faire corps avec la matière et la sublimer. Son originalité dépasse heureusement cette approche stricto sensu. En effet, Yang Ermin sait orienter le choix des sujets.
Son intérêt croisé pour la peinture et la gravure passe par l’étude des manuels de peinture dont le Jardin du grain de moutarde (Jieziyuan huapu芥子園畫譜)[2] est l’un des recueils les plus célébrés et utilisés par les apprentis-peintres en raison de la précision encyclopédique avec laquelle il est réalisé. Cet intérêt pour la gravure n’est pas passionnel, mais plutôt vu comme un élément « qui permet avec la gravure en couleur d’aller vers la peinture, et non de devenir un spécialiste de cette technique [3]». Cette prise en compte détaillée des sujets préfigure déjà la préférence constatée de Yang Ermin pour trois sujets particuliers dont le traitement demandera ci-après quelque commentaire : les natures mortes, les paysages, les personnages.
En outre, le jeune créateur s’attache aussi à l’étude des modèles antiques tout comme à l’art chinois de la période contemporaine. Dans un entretien récent il a développé ce qu’est pour lui l’art contemporain « la norme en art contemporain est la norme du monde ; c’est à l’aune de l’humain qu’elle s’est forgée. Au siècle dernier, des hommes comme Xu Beihong, Lin Fengmian, Liu Haisu ont préconisé qu’il fallait réformer la peinture chinoise au lavis, ce que reconnaissent les hommes d’aujourd’hui. Il leur a fallu s’intégrer dans une sorte de norme mondiale[4] ».
C’est à l’Académie des arts de Nankin que Yang Ermin obtient son diplôme. En parallèle, Yang se tourne aussi très naturellement vers l’écriture. Ses textes poétiques sont un constant enrichissement à sa pratique de peintre et de graveur. De même que son intérêt pour l’esthétique donne une dimension autre à son approche de l’œuvre.
Au fil des décennies, l’édition soutenue de ses catalogues et la succession des expositions qu’il enchaîne montrent une belle énergie, une énergie que cet esthète ne cesse de déployer en pleine harmonie avec une prestance physique qui émane de ses envies, de ses désirs.
Ma première rencontre avec ce personnage hors du commun m’a, comme instantanément persuadé que sa surface lisse qui émanait de ce corps glabre se terminait par une petite protubérance crânienne qui apparaît saillante au sommet du crâne, l’usnîsa, un des signes qui confèrent au bouddha sa sagesse. Peut-être a-t-elle conduit Yang Ermin à ce Japon où il a absorbé des pans entiers de cette civilisation. Certains critiques chinois rappellent que Yang a, tôt, réalisé des natures mortes qui avaient comme points de départ des approches de Monet ou de Cézanne, les grands aînés occidentaux alors proposés au monde estudiantin dans son ensemble.
Son attention au regard, préalable à toute carrière artistique se double d’une réflexion sur l’essence des choses. De cette approche sont nés ses besoins de mener en profondeur cette pratique qui a été étoffée par l’obtention d’un doctorat en esthétique.
C’est à juste titre que Yang Ermin est actuellement considéré comme l’un des novateurs de son époque en matière de peinture exécutée au lavis d’encre et de couleurs. Son activisme lui vaut par ailleurs d’être à la direction de l’Institut de recherches sur les œuvres au lavis de l’Académie des arts de Nankin.
Les sujets qui peuplent un univers entre réel et idéal
Beaucoup de travaux relatifs à l’histoire de la peinture chinoise traitent assez naturellement des thèmes qui ont eu la faveur des artistes au fil des dynasties. Il est bien certain que la plupart des grands thèmes vont aller vers l’humain en symbiose avec l’univers naturel. Tout en ayant été nourri de cette culture qui foisonne de portraits officiels ou nés de l’au-delà, d’œuvres qui emportent le spectateur dans un paysage au sein duquel il commence un parcours, une promenade ou bien une pérégrination, à partir, donc, de tels éléments incisifs, Yang Ermin a su trouver son parcours. Cette recherche a nécessité des détours à la fois nécessaires autant qu’ils sont contingents. D’abord, le voyage en Occident, en l’occurrence avec la familiarité des courants autres que lui a apportée sa vie au Japon, pays à la fois d’Asie, qui a pu colporter, développer ses racines, leur donner d’autres prolongements, ensuite la confrontation avec les œuvres occidentales vues dans les musées occidentaux, lors d’expositions ou bien aussi à la lecture des catalogues et monographies qui ont un rôle non négligeable dans l’élargissement d’un idéal.
Ainsi, le concept de peinture chez Yang Ermin est le fruit d’une réflexion qui continue de s’exercer tout en y ajoutant une pratique continuelle de la création. C’est en 1992 qu’il commence à formaliser ses réflexionx qui sont devenues une orientation bien précise. « Je considère » dit-il « que le lavis traditionnel ne convient pas à la société traditionnelle chinoise au sein de laquelle elle s’avère obsolète ». Ce type de considération va plus loin car, ajoute-t-il « les peintres chinois ne devraient pas prendre l’obsolescence comme un critère unique. Et ainsi le cercle des créateurs artistiques ne doit-il pas compter, pour sa création, sur la notion de progrès. De même les notions d’artiste national ou international sont également inutiles. Toute création repose sur la perception d’un idéal allant de pair avec une large ouverture d’esprit. En d’autres termes, un style national n’est rien d’autre qu’un phénomène diachronique qui s’est sédimenté avec le temps. Par ailleurs d’aucuns disent que le fait de tuer la tradition pourra faire naître un nouveau type de peinture. S’il en est ainsi, comment comprendre ce que nous ont transmis la culture et l’histoire ?[5] » Une telle approche à l’histoire de l’image, de celle qui est peinte, montre que Yang Ermin n’est pas seulement un artiste plongé dans l’émotionnel, sa perception des choses naît de l’observation à long terme conjointe à une pratique artistique.
Comment innover dans le domaine de la peinture au lavis moderne ? C’est là une question récurrente sous la plume des théoriciens et praticiens. Voilà près de 25 ans que les interrogations se prolongent, que les colloques voient des propositions enchaînées solliciter l’attention des présents, collectionneurs, amateurs d’art,…
Comme le souligne aussi Yang Ermin « l’un des points ignorés dans le domaine de la peinture moderne est que l’utilisation traditionnelle de la couleur dans la peinture au lavis est encore limitée à une conception ancienne dans laquelle il n’y a aucune place pour des couleurs intenses. Dès le siècle passé, les artistes chinois ont lutté pour changer ce statut en voulant redonner un certain impact à la couleur plutôt qu’à l’encre. Lin Fengmian a su trouver le juste milieu entre l’encre sombre et la couleur forte. Ce type d’approche n’a pas fait école, cependant, une nouvelle forme de peinture à l’encre devient de plus en plus présente. Dans la Chine d’aujourd’hui, la peinture qui sollicite le lavis d’encre en binôme avec une couleur intense, forte est devenue plus présente, elle va être le principal courant de l’art chinois ». Yang Ermin considère aussi que « nous sommes maintenant dans un monde de la couleur, pourquoi la peinture au lavis devrait-elle se limiter à l’utilisation de l’encre ? Est-ce lié à son seul nom de lavis d’encre?
Si des peintres qui pratiquent le lavis traditionnel n’osent pas utiliser la couleur, cela est bien une problématique toute individuelle, et non pas lié à un problème de matériau (…).
Chers collègues si vous vous livrez à des essais sur du papier de riz, ajoutez davantage de couleur à vos œuvres ! Vous obtiendrez ainsi de merveilleux effets ! »[6]
Ces propos montrent que la formation lente, approfondie de Yang Ermin a permis à ce plasticien de penser de façon large et sensée à la nécessité de cadres intellectuels autres pour des sujets qui vont trouver toute leur faveur pour le développement de sa pratique.
Des sujets privilégiés : du personnage à la nature morte
Au fil des années, de son regard, de ses voyages, de sa sensibilité, celle qui guide et est sous-jacente à ses désirs, on constate une récurrence de plusieurs sujets : le personnage en intérieur, la nature morte, un des éléments de cet intérieur, et le paysage, qui débouche sur l’univers auquel se rattache très viscéralement tout humain.
Qu’on le veuille ou non, l’œuvre de Yang Ermin produit au regard des sensations, des réflexions qui, d’emblée, disent l’originalité de la synthèse réalisée. On peut tout à fait parler d’occidentalisme, tant pour ses scènes d’intérieur que pour ses autres sujets de prédilection.
Du personnage
La palette va de celle des artistes japonais des années 30 à l’approche d’artistes comme Matisse, Vuillard surtout. Le personnage est comme fondu dans son environnement domestique, mais il s’agit alors d’un contexte où chaque objet, accessoire, ustensile, prend un poids particulier. Ainsi en va-t-il d’un lavis de couleurs réalisé en 2002, Xiao Fang小芳, où la jeune fille constitue une tache sombre sur fond de papier mural, prétexte à des motifs et jeux chromatiques, tandis q’une vaste composition florale lui fait face sur le rectangle de ciel aperçu d’une fenêtre. Avec Cuisine 廚內, lavis de couleurs de 1999 (120 x 180,5 cm) l’impression est autre, Yang est davantage dans des tonalités à la Brasilier, lui-même très influencé par le Japon. Autre exemple de la même veine, Jour de vacance假日, lavis de 2002 (57 x 45 cm) où les couleurs secondaires et une dominante de jaune traduisent une atmosphère de décontraction, d’hédonisme presque qui est rendue avec naturel.
Les grands paysages
Yang montre sa connaissance de la composition, prise de possession et de restitution des peintres anciens, des Tang au Qing notamment, dynasties durant lesquelles les montagnes, en particulier les sites célèbres sont l’objet d’imposantes compositions. Ainsi en va-t-il de la série du Mont Wutai 五台山之一, lavis en couleurs de 2013 (79 x 112 cm), comme de L’aube sur Taihang 太行的早晨 , lavis de 2012 143 x 309 cm), comme, encore, de la Grande muraille. Il ne semble nullement académique en ce 21e siècle ni restrictif pour un artiste de s’attaquer à un sujet a priori traditionnel. Le regard sur la Nature, sur le microcosme, sur cet univers qui enveloppe l’homme et le rappelle à la modestie contient encore une admiration, un plaisir évidents et pleins qui sont très enviables lorsque, justement, l’artiste sait apporter à l’œuvre une originalité qui attache le regard et reste une invitation au parcours, au voyage.
Les natures mortes
Ce thème léger est souvent considéré en Occident comme un sujet pouvant rapidement sombrer dans une mièvrerie plombée de stéréotypes. Il est vrai que l’appellation de nature morte est quelque peu sombre ; les termes se traduisent en fait par nature calme en chinois, rejoignant ainsi les termes still life anglais. Le sujet conserve en l’occurrence toute sa force, toute sa vigueur, sous le pinceau de Yang Ermin qui s’avère particulièrement percutant dans les sujets choisis, les cadrages déterminés pour camper les sujets, modestes ou davantage en relation avec un jeu de présence – absence au monde environnant de ces compositions. Qu’il s’agisse de Ciel bleu藍天où des mufliers rouge-rose illustrent la force de la vie sous un ciel céruléen, la texture obtenue se rapproche des effets de l’huile sur un support papier, le papier Xuan que l’artiste sait rendre tout à fait adapté à son propos. De même, cette magie naît de la symbiose entre les éléments choisis, avec Feuilles rouges 紅葉, Souvenirs roses, Fleurs au printemps, des œuvres où les motifs principaux, des fleurs, sont en corrélation chromatique avec des motifs géométriques ou abstraits. Yang a atteint la même liberté, la même apparente décontraction que l’on observe face à cette potée exubérante de Pandanus de Lucian Freud. Comparaison ne signifie nullement influences, mais tendance commune vers un but assez proche, celui de la délectation…
En tout créateur sommeille un éternel chercheur qui sait dispenser, quand les choses semblent correspondre à son dessein initial, le produit de ce questionnement initial et intérieur. La production récente de sculptures représentant des fruits, un ensemble de pièces fondues en 2012, rejoint cette même dense et riche, ce plaisir identique de l’observation des dix mille choses qui donnent corps à l’univers.
Ce parcours au sein d’un œuvre foisonnant permet de comprendre la problématique d’un créateur qui vit dans une société en mutations constantes, fonctionnant par à coups, avec une logique qui surprend la société occidentale, oublieuse des importants changements qui l’ont secouée à la fin de la Deuxième guerre mondiale.
Il importe de rappeler que le statut de l’artiste en Chine s’est prodigieusement amélioré, une classe importante de collectionneurs est apparue qui encourage les travaux des talents lorsqu’ils sont patents et surtout lorsqu’ils savent séduire, s’imposer au regard, parler au cœur, attitude bien souvent occultée sans que l’on sache vraiment pourquoi. [7]Cette ouverture accompagne de façon frontale, normale, la quête de Yang Ermin vers une esthétique très personnelle déjà fructueuse si l’on en juge par la récente exposition des ses lavis polychromes qui a eu lieu en décembre dernier à Pékin et également avec cette volonté d’être présent à l’international pour permettre à un public autre, le public français, de comprendre combien la couleur peut être source de plaisir face à des sujets qui disent la force de la vie et également combien une théorie nouvelle se développe dans le temps et l’espace.
[1].Christophe Comentale est sinologue, docteur en histoire de l’art et d’archéologie de la Chine et titulaire d’une Habilitation en histoire de l’art obtenue à l’université de Paris-Sorbonne. Conservateur en chef au Musée de l’Homme et chercheur associé au Musée national des minorités de Chine à Pékin, il enseigne et est commissaire d’expositions. Parmi celles-ci, Cent ans d’art chinois (2009, Paris), L’art chinois contemporain (2007, Pékin), Le livre d’artiste, de Matisse à l’art contemporain (Taipei, 2007), La Chine sur papiers, 1960-2000, Les peintures à la colle de poisson de Taiwan (1995). Il a résidé sept ans en Chine, est auteur de livres et articles sur l’image et l’art chinois.
[2].Louvrage se compose de quatre recueils. Une introduction est rédigée par Li Yu [李渔], puis suivent cinq juan, dans ce premier volume qui contient une partie théorique relative à lesthétique, complétée par des explications sur les différentes façons dappliquer la couleur. Le deuxième juan "manuel des arbres" (shupu) [树谱], est constitué de planches, tandis que le suivant est relatif aux roches et montagnes, (shanshipu) 山石谱]. Le quatrième présente personnages, ainsi quéléments darchitecture, puis paysages, oiseaux et animaux ; un traité est consacré à lorchidée, au bambou, au prunier, au chrysanthème. Le dernier, juan cinquième, comprend toutes sortes de compositions, en hauteur et en largeur, circulaire, inscrite dans un éventail ; les peintres célèbres sont également illustrés par des reproductions de leurs oeuvres. La conception du premier recueil remonte à lannée 1679. Ceci apparaît dans lintroduction de Li Yu [李渔], lettré et dramaturge de la fin des Ming et du début des Qing. Il a pour nom personnel Liwong [笠翁 ]. Après la chute de la dynastie Ming, il se retire pour mener une vie solitaire. Il se construit, alors quil est déjà âgé, une résidence sise à Nankin, "le jardin du grain de moutarde". Cest dans cet endroit que ce recueil est réalisé, endroit dont il prend le nom qui devient un titre.
[3].Propos recueillis lors d’un entretien avec l’artiste à Beijing en novembre 2013
[4].Propos recueillis lors d’un entretien avec l’artiste à Beijing en octobre 2012
[5].Propos recueillis lors d’un entretien avec l’artiste à Beijing en août 2013.
[6]. in : Nation-wide touring exhibition of Yang Ermin ‘s innovative ink wash painting : his epic, portfolio. Beijing : Ed. Rongbaozhai, 2012.181 p. ill.
他的史詩 : 楊佴旻新水墨畫中國巡迴展作品集, pp. 1-6
[7].Traditionnellement, les beaux-arts ont été associés à l’industrie en Occident. Ces activités sont en effet des baromètres sensibles sur l’état de santé financier d’un pays.
Les statistiques publiées par la société Art price en sont l’illustration quasi identique en Chine. Ainsi, une publication comme le Rapport annuel Artprice, relative au marché de l’art contemporain 2011 / 2012 a classé sur une centaine de pages les artistes les plus cotés. Yang Ermin figure au n° 315. Cette donnée montre l’activisme de ce pays depuis une décennie et la force des investissements dégagés sur les produits culturels. Même si cette donnée est loin des problèmes quotidiens d’un créateur, absorbé dans l’approche et l’épanouissement de son monde et de son langage graphique, elle ne peut être ignorée des lecteurs qui doivent connaître l’état du monde qui les entoure et les façonne…
(编辑:王日立)